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Billet Express #13 : Melancholia

Melancholia: Le dernier film de Lars Von Trier s’ouvre sur un mariage, à quelques jours du transit de la planète Melancholia proche de la Terre. La première partie du film, centrée sur le mariage de Justine, est somptueuse, tout en étant étrange et intrigante. La seconde partie, elle, est axée sur Claire, la soeur de Justine qui a organisé le mariage. Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst incarnent ce tandem angoissé, désaxé, et perturbé par l’apparition de cette planète, Melancholia. Kirsten Dunst est sublime de bout en bout, mais se dégage du film un air poseur, de nature « mourante », qui manque d’intérêt autre qu’esthétique.

Billet Express #12 : Pina

Pina : Ovni cinématographique, Pina de Wim Wenders est un dernier hommage à la célèbre chorégraphe. Au départ entrepris comme un aventure à deux, le décès de Pina Bausch change la donne pour le réalisateur, et d’un film sur la chorégraphe, c’est un film pour la chorégraphe. Bien que confronté à une mise en scène des travaux de Pina Bausch, le film est allégé par les témoignages des collaborateurs les plus proches de celle-ci. Mention spéciale à la réalisation en 3D, léchée, essence même du film.

Billet Express #11 : Tomboy

Tomboy : Laure vient de déménager, et se fait passer pour un garçon auprès de ses nouveaux amis. Céline Sciamma, la réalisatrice de Naissance des Pieuvres, signe un film discret sur le genre chez l’enfant et la sexualité infantile. L’image est belle, les héroïnes gracieuses, la mise en scène précise. Très réussi.

Billet Express #10 : Minuit à Paris

Midnight in Paris : Woody Allen se débarasse rapidement de la carte postale de Paris qu’on attendait de lui, pour en tracer une autre, la sienne. Owen Wilson, son double à l’écran, retrouve ses idoles de la Lost Generation, comme enfouies dans Paris. Hemingway, les Fitzgerald, Dali, Picasso, Bunuel, Joséphine Baker et Cole Porter…. Fantaisiste mais naïf, manque la touche de cynisme qui fait le cinéma névrosé de Woody Allen.

Billet Express #9 : Medianeras

Medianeras : Un batard maniériste digne de Marc Levy mis en scène par Nora Ephron, et qui pousse la masturbation jusqu’à citer ses propres modèles, à savoir Woody Allen et Paulo Coelho.

The Tree of Life de Terrence Malick mérite-t-il la Palme d’Or ?

Quelques années maintenant que tout un chacun attendait The Tree of Life de Terrence Malick. Déjà annoncé l’an dernier, mais présenté seulement cette année à Cannes, nous sommes en mesure de nous demander, puisqu’il fait partie de la Sélection Officielle — En Compétition, quelles sont ses chances de remporter la Palme d’Or, tant soit-elle ce que l’homme convoite.

Terrence Malick est en quelque sorte un dieu. Son personnage de réalisateur s’est construit autour d’une disparition abrupte, de silences, de rumeurs et de délais. Ce film, The Tree of Life est extrêmement attendu par le public. Il est, en quarante ans de carrière, le cinquième film du réalisateur, et hypothétiquement, le cinquième monument du réalisateur. De manière sure, les gens savent qu’il sera chef-d’oeuvresque, à l’image de ses précédents films. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce suffisant pour remporter le trophée ?

Très certainement, The Tree of Life a l’apparence d’un chef-d’oeuvre. L’image est parfaite, la bande son est gracieuse (Alexandre Desplat) — Dieu à l’oeuvre n’aurait su mieux faire. Le scénario n’est pas très intéressant, mais ça, à la rigueur, on s’en fout. Là où ça pose problème avec ce scénario pas très intéressant, c’est d’abord dans la structure par laquelle il le met en scène : ça manque de cohérence. L’on peut concevoir le film de Malick comme tel : amorce, théorie, narration, épiphanie. Et de ces quatre parties, celle consacrée à la narration même du film manque cruellement d’intérêt. Si les trois autres parties reposent sur le lien image/son, le caractère spectaculaire et symbolique de la progression de ces images, la narration de l’histoire est souvent desservie par ce qui faisait la Malick touch des précédents films, et par la simplicité de ce qu’elle a à dire. Penchons nous là dessus, sur ce que l’histoire (et le film) à dire.

Le film fonctionne sur deux niveaux. Au niveau le plus restreint, le film raconte l’histoire d’une famille, et met en scène la relation intérieure que chacun du père, de la mère et du fils ainé entretient avec Dieu. A une échelle plus large, The Tree of Life est à la fois créationniste et évolutionniste, et là, il n’est plus vraiment question de Dieu, mais de filiation, dans la mesure où ces séquences sont génialement Kubrickiennes (en fait, Dieu). Cependant, le sous-texte souvent biblique m’a gêné dans mon interprétation du film, dans le sens où je suis plus Odyssée de l’Espace que Passion du Christ.

Pour répondre à la question, je ne pense pas que The Tree of Life mérite la Palme d’Or. Plus certainement, le Grand Prix ou le Prix de la mise en scène. Pour plusieurs raisons. Non seulement je n’ai pas vu les 19 autres films en compétition — mais Malick est déjà un chouchou du public, et lui remettre la Palme d’Or ne lui servira pas plus que sa renommée actuelle et ses qualités de réalisateur. Le prix ne serait pas adapté à l’objet cinématographique qu’il a présenté au Jury. Il est également probable que l’homme revienne à Cannes d’ici quelques années, voire l’an prochain.

En somme, The Tree of Life est un film spirituel, élégiaque. Soit, s’il s’est affairé à filmer le divin sur Terre, je regarderai Dieu dans les yeux. J’ai vu des gens partir au milieu de la séance. Pour sur, ça n’était pas un film avec Brad Pitt et Sean Penn. C’était un film de Terrence Malick, et c’était divin. Soyez en avertis.

Billet Express #8 : The King’s Speech

Le discours d’un roi : Extrêmement bien construit et rigoureux, le film sait saisir l’intérêt du spectateur et l’émouvoir. Trois très bonnes performances des acteurs principaux. La partition d’Alexandre Desplat est splendide, et même si la tendance à être parfois un peu académique dans le montage et l’arrangement, ça reste mineur et ne nuit pas au sentiment d’avoir en face de soi un très bon film.

Black Swan

Black Swan raconte la descente aux enfers de Nina, danseuse professionnelle dans une compagnie de ballet de New York, tandis qu’elle tente de maîtriser ce qui se présente comme le rôle de sa vie : le rôle principal dans une nouvelle production du Lac des Cygnes.

Nina est une jeune fille timide, mal à l’aise, et infantilisée. Elle vit dans un petit appartement (sa chambre est probablement la même depuis qu’elle a six ans), avec sa mère, ancienne danseuse sans gloire qui a abandonné sa carrière pour élever sa fille. Elle est l’un des doubles que Nina doit « combattre » pour s’affirmer pleinement. Parmi les autres doubles, Beth, le modèle déchu, et Lily, l’alter-ego maléfique. Darren Aronofsky choisit de mettre en scène un thème rebattu, celui du double maléfique sur motif du Lac des Cygnes, dans lequel Cygne Blanc et Cygne Noir s’affrontent, pour le dupliquer et le polariser autour de Nina.

Darren Aronofsky a également le mauvais goût de traiter Black Swan comme un film d’horreur, et nous est donc servi sur un plateau tous les clichés du genre. Intéressant à mes yeux, la peuplade de rires horrifiques qui circulent dans les couloirs, et illustre justement la folie qui s’empare de l’héroine. Il reste quand même tout ce qui est moins (voire pas du tout) intéressant : l’insupportable manie de couper la lumière à tout bout de champs, la transformation dégueulasse en monstre de Nina, les ombres qui bougent, la peau et les ongles qui tombent, cette pauvre Winona Ryder qui se troue la peau avec une lime à ongles.

Dans Black Swan se lit clairement l’intention manipulatrice du réalisateur, qui tient systématiquement à effrayer ou à orienter son spectateur, à travers des codes et une symbolique n’ont que très peu d’intérêt. Les Chevaliers du Zodiaque n’ont pas attendu Aronofsky pour illustrer ce combat de cygne blanc et de cygne noir, si ce n’est qu’il a l’indécence d’apporter une ferveur sexuelle à son film. Le climax de Black Swan tient dans son irrésistible scène d’ébats entre Natalie Portman et Mila Kunis. Son final est tout aussi grandiose – et carrément mégalomane : « I was perfect » dit Nina tout en regardant son réalisateur à travers la caméra.

Black Swan n’est pas un mauvais film, mais son exécution est moyenne dans son ensemble. Le motif est gâché à plusieurs reprises, Darren Aronofsky prouve que la subtilité n’est pas son point fort, tandis que marteler les évidences apparaît comme un point clé dans son oeuvre.

Pourquoi récompenser Somewhere de Sofia Coppola ?

Somewhere de Sofia Coppola pourrait être l’adaptation américaine de Lost In Translation, qu’elle aurait elle même réalisée. Cette manoeuvre permet à la réalisatrice d’élargir son oeuvre, en travaillant sur des variations autour d’un même thème.

Le principal défaut de Somewhere, c’est peut être le manque de charme de la culture américaine qu’elle étale à l’écran. Elle réussit cependant à incarner dans son héros une étoile qui a monté, qui vient de nulle part et qui n’ira pas beaucoup plus loin, une société oisive, à qui le sens de la vie échappe. Elle conclut le film sur une assez belle épiphanie.

Il y a également beaucoup de travail non pas sur l’image (même si le travail de la lumière, systématiquement?, naturelle est très réussi) mais sur les sonorités, toujours diégétiques (avec son exception également). Le métier qu’elle effectue est également pensé et référencé à plusieurs reprises.

On pourrait faire de nombreux parallèles avec Lost In Translation, le thême de l’exil, de la solitude, du manque d’appréhension face à une société que l’on ne comprend pas, la perte et l’absence de l’identité. Les deux films se répondent, se complètent. Ils ne sont pas complètement symétriques, mais forment un très beau diptyque : Lost In Translation Somewhere.

Ce qui déçoit dans Somewhere, c’est que Sofia Coppola n’avait prévenu personne. Récompenser Somewhere, c’est récompenser une oeuvre, un certain travail effectué, mais aussi encourager à brouiller les sens et à changer de direction.

Où se situe Robert Rodriguez dans Machete ?

Machete, dernier long-métrage de Robert Rodriguez, est un film ambigu. Qu’est-ce vraiment ? On se situe dans la lignée de ce que Rodriguez et Quentin Tarantino appellent Grindhouse : l’idée selon laquelle les séries B n’ont pas un mauvais fond, si l’on retravaille la forme.

On s’éloigne donc de la parodie pour Machete, même si son héros incarné par Danny Trejo relève beaucoup de la caricature, et de nombreux acteurs s’auto-parodient (Lindsay Lohan, Steven Seagal, Don Johnson).

Machete est plus dans le pastiche, sans l’aspect d’hommage du pastiche, puisque Robert Rodriguez créée le mythe plutôt que de le rechercher dans d’anciennes figures. Il manque également de la distance et de l’humour entre le modèle (séries b américaines) et le produit obtenu : Rodriguez croit en la forme originelle, sans vraiment chercher à l’améliorer en fait.

Le dernier problème serait la discordance entre le fond (les problèmes liés à l’immigration mexicaine sur la frontière avec les Etats-Unis) et la forme : le film gagne en lourdeur avec cette plaidoirie idéologique plus ou moins altermondialiste, alors que ce que l’on attend de Rodriguez est qu’il allège le genre de départ.

Robert Rodriguez réussit à créer un bon divertissement, mais sans que ce soit très Grindhousesque, sans la recherche du très bon dans le très mauvais. Sans « sublimation », le pari n’est pas vraiment remporté.